Souvenir de chasse

Durant un joli mois de septembre de l’année 1985, j’enseignais au C.R.O.P. de Châtillon sur Azergues, un Centre de Rééducation de l’Ouïe et de la Parole pour les enfants sourds. Les cours ne commençant qu’à neuf heures, je me levais tôt le matin pour être au rendez-vous des ramiers sur la petite commune beaujolaise de Saint-Cyr-Le-Chatoux à environ sept cents mètres d’altitude.

Il faisait à peine jour quand je garais ma voiture et enfilais à pied, fusil sur l’épaule, le petit chemin menant au poste. Un chemin caillouteux où chaque pierre retournée aiguisait un peu plus mon impatience.

Enfin je chargeais deux cartouches et patientais en jetant parfois un bref regard sur la vallée. Le spectacle était féérique et empli d’une mystérieuse fascination. Des lambeaux de brume s’égrenaient tout en bas laissant de-ci de-là paraître parfois un toit, une petite route, une lumière au carreau …

A l’opposé, une crête de sapins barrant l’horizon, et l’espoir d’y voir surgir quelques beaux vols. Depuis quelques jours, j’avais tué de jolis spécimens que je montrais en narrant mes exploits aux yeux ébahis de mes élèves.

Mais ce matin-là allait rester gravé dans mon souvenir à jamais.

Il faisait maintenant presque jour. Soudainement le ciel s’assombrit petit à petit. Un immense nuage mouvant se développait au-dessus de la crête. Il grossissait à vue d’œil dans une langueur impressionnante.

Soudainement encore, mon fusil me sembla affreusement ridicule et déplacé face à cette horde d’oiseaux envahissant l’espace céleste. Des milliers de pigeons s’avançaient sur moi. Mon cœur battait comme transporté dans un autre lieu, un autre temps.

Le regard rivé aux cieux, je vivais un instant d’une intense émotion. Une hésitation fébrile s’empara de tout mon être partagé entre la beauté du spectacle et l’action de chasse.

Je fis le coup du roi. Deux ramiers s’abandonnèrent au sol. Je n’eus pas le temps de recharger. Le passage fut à la fois rapide et lent de cette lenteur fugace qui marque un beau souvenir de chasse.

Magnifique description d'un moment a jamais grave dans votre memoire! Merci d'avoir si habilement partage vos emotions

L'Insulaire

Très joliment tourné et tellement vrai !

Que dire de plus autrement que j'adore !! Merci .

Sympa les commentaires et merci aux "couche-tard" ou aux premiers "levés" de ce matin. A toute heure de la journée ou de la nuit, il y a de l'agitation sur ce site. Belle récompense pour les écrits.

Ces souvenirs de chasse étaient enfouis dans ma mémoire et quelque part cachés au creux de mon imagination. L'opportunité de ce site les a réveillés. Jusqu'à maintenant, je n'aurais jamais envisagé les coucher sur la page blanche de l'ordi. Voilà qui est fait.

Au plaisir du souvenir sans cesse renouvelé s'ajoute celui de l'écrit. Je pense à Roland Barthes, célèbre sémiologue français, aujourd'hui disparu, qui parlait du "plaisir du texte". C'est bien de cela dont il s'agit. Un plaisir partagé par le rédacteur et le lecteur.

Bonne lecture !

Et oui , c'est PLC , ça ne s'arrête jamais ...

Sinon , n'hésite pas à nous conter d'autre de tes souvenirs ou tes nouvelles aventures , car je suis fan . C'est tellement plus agréable à lire qu'un simple compte rendu numéroté ...

NBG a écrit:
Sympa les commentaires et merci aux "couche-tard" ou aux premiers "levés" de ce matin. A toute heure de la journée ou de la nuit, il y a de l'agitation sur ce site. Belle récompense pour les écrits.

Ces souvenirs de chasse étaient enfouis dans ma mémoire et quelque part cachés au creux de mon imagination. L'opportunité de ce site les a réveillés. Jusqu'à maintenant, je n'aurais jamais envisagé les coucher sur la page blanche de l'ordi. Voilà qui est fait.

Au plaisir du souvenir sans cesse renouvelé s'ajoute celui de l'écrit. Je pense à Roland Barthes, célèbre sémiologue français, aujourd'hui disparu, qui parlait du "plaisir du texte". C'est bien de cela dont il s'agit. Un plaisir partagé par le rédacteur et le lecteur.

Bonne lecture !

Comme tu dis, le plaisir a été partagé, merci pour ton récit dans lequel on pourrait se retrouver un peu.

Ce matin j'étais debout à 5h30, mais pas tout de suite sur le fofo.

Insulaire a écrit:Magnifique description d'un moment a jamais grave dans votre memoire! Merci d'avoir si habilement partage vos emotions

L'Insulaire

Tu peux me dire "tu" sans problème. Entre chasseurs ... Comme entre enseignants ...

Merci NBG, dorenavant on se dira "tu", alors! J'ai remarque dans ton recit que tu faisais partager ta passion a tes eleves en leur montrant le fruit de tes exploits, en leur racontant tes aventures cynegetiques et qui sait, peut-etre que grace a toi, certains de tes eleves ont rejoint les disciples de St.Hubert! Je fais de meme ici, un peu a l'ecart de l'Hexagone, il est vrai, et "profite" de ma position pour entretenir ou faire naitre les passions pour la chasse et la peche parmi les jeunes. C'est, je dirais, l'aspect de la profession qui m'apporte le plus de satisfactions!
Bon week-end!
L'Insulaire

PS: Excuse le manque d'accents qui est du a mon clavier britannique ...

Merci c'est magnifique !!

C'est toujours un réel plaisir de te lire !
J'adore .... !
On en voudrais encore et encore ... Mais comme tout moment de plaisir il faut le faire désiré ...

J'ai adoré ton récit..Bravo!!

Insulaire a écrit:Merci NBG, dorenavant on se dira "tu", alors! J'ai remarque dans ton recit que tu faisais partager ta passion a tes eleves en leur montrant le fruit de tes exploits, en leur racontant tes aventures cynegetiques et qui sait, peut-etre que grace a toi, certains de tes eleves ont rejoint les disciples de St.Hubert! Je fais de meme ici, un peu a l'ecart de l'Hexagone, il est vrai, et "profite" de ma position pour entretenir ou faire naitre les passions pour la chasse et la peche parmi les jeunes. C'est, je dirais, l'aspect de la profession qui m'apporte le plus de satisfactions!
Bon week-end!
L'Insulaire

PS: Excuse le manque d'accents qui est du a mon clavier britannique ...

Bonjour Insulaire,

Et merci pour ce commentaire "pédagogique". En effet, je prenais grand plaisir à raconter mes "exploits" à mes élèves sourds. En plus des paroles lues sur mes lèvres, j'agrémentais l'histoire de force gestes qui captivaient beaucoup les enfants.

Il faut avouer qu'à mon grand plaisir, j'en rajoutais un peu mais c'était tellement gratifiant de voir l'expression ravie sur chaque visage. Grâce aux pigeons rapportés des hauteurs, j'ai pu improviser quelques leçons intéressantes dans cette matière que l'on appelait "éveil" à l'époque. Sans parler du démontage du fusil et des cartouches. Tout est matière à éveil quand cela touche au vécu.

Tu dois connaître cela aussi avec tes jeunes.
Es-tu loin de la France ?
Parles-tu anglais ?

La pêche, la chasse, avec ou sans accent, que des émotions !
Bonne continuation.

merci pour ce très beau récit !!

merci pour se super récits

NBG a écrit:
Tu dois connaître cela aussi avec tes jeunes.
Es-tu loin de la France ?
Parles-tu anglais ?

La pêche, la chasse, avec ou sans accent, que des émotions !
Bonne continuation.

Oui, je vois tres bien ce que tu veux decrire, NBG, je forme beaucoup de mes eleves a la peche et meme si le cliche des jeunes aux visages radieux apres leur premiere truite, peut paraitre banal aux yeux de certains, c'est toujours pour moi une source de grande satisfaction.
L'archipel des Iles Orcades se trouve au Nord de l'Ecosse a l'endroit ou se rencontrent l'Ocean Atlantique et le Mer du Nord et pour la question de la langue, je parle anglais couramment mais j'ai du aussi apprendre le dialecte local qui est beaucoup plus utile dans la region!
Je t'envoie un mp un de ces quatre.
A bientot,
L'Insulaire

alex33 a écrit:C'est toujours un réel plaisir de te lire !
J'adore .... !
On en voudrais encore et encore ... Mais comme tout moment de plaisir il faut le faire désiré ...

+10
Tout est dit

De nouveau un réel plaisir à lire... J'adore ressentir ces émotions là à travers un récit de chasse... Merci !

Insulaire a écrit:

NBG a écrit:
Tu dois connaître cela aussi avec tes jeunes.
Es-tu loin de la France ?
Parles-tu anglais ?

La pêche, la chasse, avec ou sans accent, que des émotions !
Bonne continuation.

Oui, je vois tres bien ce que tu veux decrire, NBG, je forme beaucoup de mes eleves a la peche et meme si le cliche des jeunes aux visages radieux apres leur premiere truite, peut paraitre banal aux yeux de certains, c'est toujours pour moi une source de grande satisfaction.
L'archipel des Iles Orcades se trouve au Nord de l'Ecosse a l'endroit ou se rencontrent l'Ocean Atlantique et le Mer du Nord et pour la question de la langue, je parle anglais couramment mais j'ai du aussi apprendre le dialecte local qui est beaucoup plus utile dans la region!
Je t'envoie un mp un de ces quatre.
A bientot,
L'Insulaire

Un visage radieux devant une première truite, ce sont ces actions simples mais ô combien constructives d'un souvenir d'enfant qui donnent du poids et du sens à la vie. Et que dire de la relation réelle ou en filigrane qui s'instaure alors entre l'enfant et l'adulte ? La pêche, la chasse peuvent s'avérer être un bon vecteur de transmission.

Encore un mot sur ce grandiose et magnifique pays d'Ecosse. Je n'y suis jamais allé mais il fait partie de mes rêves sauvages. Des images glanées de-ci de-là et quelques films sur des régions d'Ecosse ont emporté mon adhésion passionnelle. Certains pays comme cela vous font un tel effet !

Ton mp sera le bienvenu.
Dans cinq minutes, je dois me rendre à Ars, petit village du département de l'Ain. Le connais-tu ?

Salut à tous,
Fable à couper la chique au célèbre Jeannot de La Font.....
Encore un vrai mensonge! J'avais emmené en plus de mon juxtaposé Baïkal et quelques cartouches, ma fille adorée (elle devait avoir six ans), dans un petit bois touchant une prairie humide. Je savais que, le soir, quelques ramiers venaient là au couchage. Certes le tir était souvent difficile (au vol) au travers des branchages mais c'est un peu mon challenge! De plus nous étions -presque-invisibles pour ces redoutables farouches. Il me fallait bien tempérer de temps en temps les ardeurs verbales de la gamine, mais cela n'empêcha pas une corneille de nous survoler bientôt. Je la tirai du coup droit et la tuai net. J'étais en train de repérer l'endroit de sa chute pour pouvoir la ramasser plus tard, quand je ne compris vraiment pas ce que venait faire ce renard, droit sur moi, de plus à allure plus que modérée (malgré la détonation ) et c'est de mon gauche que, un peu nerveusement, que je le gratifiai d'un coup de 6. J'avais l'impression de faire dans la science-fiction, car cet improbable Goupil accéléra l'allure et disparut dans le bois.L'avais-je manqué? Toujours est-il que je ne trouvais pas la moindre gouttelette de sang ni dans la prairie, ni au talus ni au bois. Je préférais l'avoir loupé, car blesser et ne pas retrouver... Je fus tout de même un peu dépité de n'avoir pas réussi le doublé du corbeau et du renard.
Irais-je jusqu'à dire que mon repas du soir consista en un fromage? Non! Là ce serait de trop!

Bonsoir Delhaye et bon retour sur PLC !
Cela fait paisir de te relire après ces quelques semaines d’absence ! J’aurais pensé que tu allais rendre hommage aux « corneilles haut-debit » mais ce n’est pas le cas ! Merci pour le partage de cette histoire un peu rocambolesque ! Mais n’en avons nous pas tous quelques unes de ces histoires étranges, et même tout simplement incroyables pour le commun des mortels, après des milliers d’heures passées à l’affût, aux aurores ou au crépuscule, aux bords d’un lac ou au coeur de la forêt ?
Amicalement,

Bravo pour vos superbes récits !